Réflexion: Chercher à éliminer toute tension

Salut!

Voila quelquechose qui me tracasse beaucoup, personnellement.

Chaque fois que je vois un magicien, que je vois quelqu'un faire de la magie, il y a toujours énormément de tension.

Ce que je dis s'applique à tous les domaines. Je fais deux types de magie, la cartomagie et la numismagie (mon grand amour).

Et voila, à chaque fois, dans la magie que je vois, la tension est toujours présente.
Pourquoi personne ne se penche-t-il vers l'étude de temps forts et de temps morts?
L'avez vous fait? Quels ressources avez vous utilisé?

La plupart du temps, le magicien a la hantise du flash. "Et si on voit ma L.D? :O"
Du coup, il bosse sur la technique à ne plus savoir qu'en faire.

Mais il ne bosse jamais sur l'élimination de toute tension en magie, par souci de temps. Je ne dis pas qu'il faut éliminer tout travail technique, bien sur. Tous ceux qui me connaissent savent que la technique et moi, on est plutot copains. Mais il ne faut pas oublier de l'épurer. J'aime les techniques pures. Pour moi, une technique est pure si elle permet de faire ce qu'on lui demande sans attirer de tension. La tension est la chose qui trahit le magicien auprès du spectateur, plus que le flash. Ceci dit, peu de gens arrivent à s'en convaincre. C'est pourtant le cas!

J'ai pas mal écrit sur ce sujet, si un jour je retranscris mes notes sur PC, je vous ferai part de mes réfléxions.


Voila, laissez vos réflexions la dessus

Effectivement la magie doit être avant tout divertissante et la tension, bien que devant être présente aux moments forts comme la révélation d'une carte pour que l'effet atteigne sa force maximale, nuit à cet objectif. Moi aussi j'aime une technique irréprochable ou presque mais à un moment, et pour reprendre Bébel, il faut oublier la technique, oublier la procédure. Tout est dans le naturel et l'on ne peut être naturel, selon moi, qu'en étant soi-même. Il faut s'amuser, se faire plaisir en voulant faire plaisir aux autres. Les spectateurs vont le sentir et se relaxer entraînant une disparition quasi-totale de la tension. En live on n'a qu'une seule chance et fatalement il y aura des flahs car on ne peut être parfait. Si on admet cela, le flash ne devient plus la préoccupation numéro un. La question qui se pose ainsi est: comment rendre les choses magiques ?

BB08DD a écrit:Effectivement la magie doit être avant tout divertissante et la tension, bien que devant être présente aux moments forts comme la révélation d'une carte pour que l'effet atteigne sa force maximale, nuit à cet objectif. Moi aussi j'aime une technique irréprochable ou presque mais à un moment, et pour reprendre Bébel, il faut oublier la technique, oublier la procédure. Tout est dans le naturel et l'on ne peut être naturel, selon moi, qu'en étant soi-même. Il faut s'amuser, se faire plaisir en voulant faire plaisir aux autres. Les spectateurs vont le sentir et se relaxer entraînant une disparition quasi-totale de la tension. En live on n'a qu'une seule chance et fatalement il y aura des flahs car on ne peut être parfait. Si on admet cela, le flash ne devient plus la préoccupation numéro un. La question qui se pose ainsi est: comment rendre les choses magiques ?

Je pense qu'a plusieurs instants de ta réponse tu as interprété le mot "tension" d'une autre manière que celle que je voulais faire passer. Par "tension", il me semble que tu as entendu "dramatisation".
Or la je parle juste de technique invisible, en fait.

Je suis d'accord, Bébel parle du naturel. C'est un des grands maitres du naturel, mais pourtant, toutes ses routines, de par les conditions dans lesquelles il travaille, sont très tendues.

Regardez du côté d'Aaron Fisher. "The Paper Engine" est fait de telle sorte que toutes les techniques sont construites pour enlever la tension de sa magie.
La Gravity Half Pass? Utilise la gravité comme son nom l'indique, retirant ainsi tout effort et toute tension dans le corps du performer.
Ce n'est qu'un exemple.

De plus, je pense que ta dernière question n'est pas très appropriée au sujet. Bébel est toujours tendu, mais pourtant ses routines sont très très très magiques je trouve. "Magicité" et tension sont deux choses bien distinctes il me semble.

La ou je te rejoins, c'est qu'en effet, une ou deux plantades devant des spectateurs permettent au magicien de remettre en question ce bête préjugé comme quoi c'est le flash qui tue la magie. Loin de la, c'est la tension. L'attitude que l'on laisse transparaitre.
Michael Ammar parle de ca dans sa conférence, notamment dans le cadre de l'empalmage, et de comment faire en sorte qu'il ne se sente pas du tout. Il désire se calquer sur le mouvement naturel du bras.
Michael Vincent dans "Rhaphsodies Of Silver" en parle aussi, dans le cadre de la numismagie.

Des références à aller voir

Ah tu parlais de cette tension là mdrr. Ok. Eh bien je persiste à dire que c'est en oubliant la technique que l'on se détend. Si l'on est crispé d'avance à l'idée de devoir exécuter une technique on le sera fatalement au moment clé. pour Bébel oui il travaille dans des conditions très difficiles et évidemment qu'il est tendu mais ça ne transpire pas!!! Quand tu regardes Bébel, tu ne cherches même pas à suivre tous ses mouvements; tu admires et tu t'amuses. C'est un travail remarquable au service d'une passion dévorante qui crée cela.

Petit article écrit par mes soins lors de réflexions personnelles sur la magie.


1°) Définition


Nous ne nous attarderons que brièvement sur leurs définitions. Voici la manière la plus simple de les définir.

Qu'entend-t-on par temps forts et faibles?

Les temps forts sont des moments lors d'une présentation où l'attention du public est accrue, redoublée. Ceux-ci s'opposent aux temps faibles, temps de relaxation cérébrale et de chute de ce que nous appellerons « tension ». Nous développerons cette notion d'ici quelques lignes.

L'alternance entre temps forts et faibles constituent ce que l'on appelle le rythme d'une routine.

N.B. : un synonyme de temps faible serait misdirection. Cependant, la misdirection consiste généralement à détourner l'attention du spectateur alors que nous souhaitons la faire descendre.


2°) Utilisation


Maintenant qu'on a conscience de l'existence de ces effets d'accroissement ou de diminution d'attention de la part du public, nous allons tenter de voir leur utilité pour le magicien.


Dans le cadre des temps forts, l'attention du public est focalisée sur le magicien. Comme on peut aisément le comprendre, ce n'est pas à ce moment que l'on exécute un saut-de-coupe ou quelle qu'autre technique un tant soit peu difficile.

Les temps forts permettent de faire voir ce que l'on veut que le public voit. Par exemple, dans le cadre de l'utilisation d'un jeu (qu'il soit en chapelet ou non), il l'étale entre ses mains et ce des deux côtés alors que le public se concentre dessus. Cela permet de faire voir et croire que ce que l'on veut montrer est intact et qu'il n'est pas besoin de le toucher. Et si l'on se dote de la parenthèse d'oubli qu'Arnaud a décrit dans la partie 3 nommée Monsieur Ascanio, on peut même laisser croire au spectateur qu'il a vérifié ce jeu.


Pour ce qui est des temps faibles, l'attention du public redescend, même si c'est pendant un instant très court. C'est dans des moments pareils que le magicien exécute ses passes magiques à l'abri du regard et de la conscience des spectateurs. Un exemple tout simple : vous finissez un tour de cartes. Le public est euphorique, émerveillé et vous applaudit. Leur cerveau ne cogite plus à « il faut que trouve quand il le fait » mais il est occupé par une pensée du type « incroyable, rien vu mais bien pris... ». Bref, ils ne font plus tellement attention à vos mains et c'est dans ces cas que vous pouvez inverser la carte sous le jeu pour partir sur un effet triomphe qui à la base n'est pas impromptu, mais qui le devient grâce à l'exploitation des temps faibles.


3°) Leur création ou leur gestion


Bien entendu, les temps faibles sont souvent plus favorables au magicien puisque dès que l'on se présente comme tel, une idée se fixe dans l'esprit du public : « Il est magicien, il va essayer de me berner. Donc je dois faire bien attention pour ne pas me faire avoir ».

On pourra dire ce qu'on veut, l'ego du spectateur vaut à ses yeux plus que l'émerveillement qui pourrait en résulter.

Bien, on a donc un souci : on commence un tour et tout l'attention des spectateurs est focalisée sur nos mains.

Le contraire est également possible, bien que plus rare : les gens ne sont pas intéressés. Là, deux options : soit vous tentez de forcer leur attention, ce qui n'est pas la meilleure chose à faire, soit vous les laissez et revenez peut-être un peu plus tard.

Mais quoi qu'il arrive, la création des deux types d'effets est primordiale pour bien mener un effet et même une technique.


a) La respiration

Cette technique m'a été enseignée par Chrisitan Chelman (que l'on aime ou pas, je me dois de citer mes sources.) dans le cadre de mon apprentissage au mélange Zarrow.

En plus des détails techniques, il m'a appris l'importance de la respiration dans le cadre de la perception du public.

Je vais donc reprendre ses idées ici.

La respiration est totalement dépendante de notre cerveau et de notre perception du monde réel qui nous entoure. Prenez l'exemple d'un choc émotionnel fort : votre respiration se « coupe » totalement. Pourquoi?

Votre cerveau capte des signaux étranges, qui ne lui plaisent pas et va, via divers moyens vous faire sentir que ça ne va pas (plus de souffle, le cœur s'accélère, etc.)

Et bien, en magie, c'est la même chose, bien que cela soit bien plus fin et que le magicien se doit de pouvoir jongler avec ces notions.

Les temps forts sont les plus simples à créer puisque nous les créons naturellement et ce constamment. Le seul souci, c'est que parfois nous les créons dans des moments inappropriés. Donc nous nous concentrerons sur la création de temps faibles.

S'il fallait faire court, un temps faible correspond à une expiration et un temps fort à une inspiration.

Mais allons un peu plus dans le détail : lorsque nous sommes généralement sur le point de faire un saut-de-coupe ou un faux mélange, nous avons tendance naturellement à bloquer notre respiration suite à une inspiration. Ce blocage est généré au niveau du cerveau qui envoi des signes inconscient du fait que nous nous apprêtons à faire quelque chose. De facto, lorsque la cage thoracique se bloque en position haute, les épaules remontent et créent une tension au niveau de nos mouvements.

Cela a par exemple lieu en période de stress intense, comme pour une représentation.


Le magicien a donc intérêt à pratiquer la respiration forcée lors de l'entrainement de ses techniques et de ses enchainements. Cela lui permettra à la fois de respirer normalement et de ce fait de permettre au public de suivre un rythme alterné entre attention et relaxation.

Ainsi, lors de l'entrainement quotidien au SDC ou au Zarrow, il faut pouvoir rythmer la technique.

Je reprends ci-dessous l'exemple que j'ai donné à Olivier concernant la faux-mélange Zarrow :


Décomposons-le en étapes en fonction de ce qui se fait à la base :
- retrait du paquet : inspiration car mouvement inhabituel
- imbrication de cartes : expiration car mouvement habituel
- désimbrication et téléscopage des paquets : inspiration car moment exact de la tromperie vis-à-vis du public.

Voici l'enchainement parfait (je ne dis pas que c'est le mien hein ):
- retrait des paquets : expiration
- imbrication des cartes : inspiration permettant de créer une tension attirant le regard du spectateur sur le fait que les cartes sont réellement mélangées.
- désimbrication et téléscopage : expiration permettant la création d'un temps faible après un temps fort d'attention laissant donc le loisir au magicien de faire son geste « à son aise ».


b) La position du corps


Au delà de la respiration du corps, il faut également prendre en compte ce que l'on peut appeler l'inclinaison du corps.


Dans le cadre du langage corporel universel, le fait qu'un corps se penche en avant symbolise la confiance, la confidence, mais également le besoin d'attention à ce moment précis. Ainsi, même debout, en vous penchant en avant, vous invitez par un principe de mimétisme humain les spectateurs à en faire de même et à se concentrer sur ce que vous allez leur dire ou ce que vos mains vont accomplir dans ces cas-là.

Au contraire, un mouvement de recul du corps permet de transmettre aux gens une sensation de relâchement et de détente. De plus, lorsque votre corps recule, les spectateurs perdent leurs repaires visuels dûs à la proximité avec le jeu de cartes et auront donc le réflexe de venir vous regarder dans les yeux. A ce moment, à vous de capter leur regard et d'en profiter à bon escient.


c) La voix


Ici, je ne compte pas aller dans les détails, mais un changement de ton, de volume ou de rythme de débit de manière crescendo permet la création de temps forts tandis qu'une diminution permet la gestion de temps faibles.

Mais comme je ne m'y connais pas suffisamment dans ce domaine, je vous renvois à l'ouvrage de Tamariz Les 5 points magiques.

Un contenu très intéressant Fred, je vais le garder dans un coin.


De mon côté, je vais vous donner quelques trucs que j'ai pu accumuler avec le temps. Il est possible que je m'éloigne un peu du topic.

Ca a déjà été dit plus haut, mais il est toujours bon de le rappeler, il vaut mieux être dans une bonne pré-disposition mentale. Parfois, on me demande un tour ou deux. J'accepte, et pendant que je vais chercher mes cartes, la seule chose à laquelle je pense est « tiens, qu'est ce que je vais leurs montrer cette fois ? Oh tiens, ça c'est pas mal. ». Bref, aucun stress.

Quand je fais le tour, je ne me dis jamais « Bon, là, c'est chiant, faut que je fasse gaffe », car cela me fait me crisper, et ça paraît louche. Au contraire, j'ai tellement répété le tour que je le fais sans me poser la moindre question. Mes membres connaissent chacun leur rôle.

Tâter le terrain est très important : ne faîtes jamais ça à des gens que ça emmerde, car ils n'auront pas de réaction dans le meilleur des cas, et ça va vous déstabiliser, ce qui peut facilement vous mener à la catastrophe. En street, je fais ça en priorité aux gens que ça intéresse, et si d'autres personnes viennent voir, je m'arrange pour ne pas les laisser de côté, et les faire participer. Ca crée des réactions qui sont bonnes pour l'ambiance, et par conséquent la diminution de la tension.

Avant le tour, quoi qu'il arrive, je m'arrange pour faire marrer les gens. C'est un signe de détente aussi. Et une bonne blague ne peut que diminuer votre tension.

Souriez ! Même si vous n'êtes pas filmé, souriez tout au long du tour, les gens vous le rendront, et ça aide à rester zen.

Un grand générateur de tension est le côté psychorigide de certains magiciens. Des fois, j'hallucine quand je vois des magiciens dire qu'en huit minutes ils font cinq tours et se plaignent de ne plus rien avoir à montrer. En huit minutes, je n'en fait qu'un seul, et un autre a été à peine entamé...

Certes, vous devez connaître votre routine et votre texte par coeur. Cependant, ne soyez pas réfractaires à un changement impromptu de la part d'un spectateur. Vous avez sûrement déjà vu ça que ce soit vous ou non : le spectateur dit une chose, et le magicien lui fait une réponse très courte lui indiquant qu'un tour est en court et qu'il ne fallait par conséquent pas le déranger. Bien évidemment, c'est pas bon... Le magicien se tend encore plus en répondant cela, et en remballant le spectateur, vous hissez une barrière entre vous et lui, ce qui est un générateur de tension : c'est comme lui dire « je suis un dieu, qui es-tu, simple mortel pour oser ainsi me déranger? ».
Alors qu'au final, tout ce qu'il voulait, c'était participer un peu. Qui n'a jamais rêvé pendant un concert de monter sur scène pour ensuite faire un slam ? Même quand l'humour est lourd, je laisse participer. On a tous connu le « Hey, tu vas nous faire disparaître la statue de la liberté ce soir? », ce a quoi je répond « Bof non, j'ai arrêté ce genre de conneries. Aujourd'hui je me contente de la faire voler à trente mètres au dessus du sol », tout en adoptant un langage corporel qui montre ouvertement que je fais de l'ironie et que je me moque de moi-même. Ce genre de choses est un calmeur de tension.

En bref, ce n'est pas par ce qu'il est scripté qu'à deux minutes vingt deux vous devez faire tirer une carte qu'il faut le faire absolument à ce moment là. Laissez les choses venir, laissez les gens venir, apprenez à improviser. Surtout, en tant que magicien, ne jouez pas un rôle, soyez juste vous-même, même si ce que vous faîtes défie toutes les lois de la logique. Et vous verrez que quand tout le monde s'éclate, la tension se volatise.